Monologue
Je ne voulais pas le voir. Mais voilà, ma volonté est aussi malléable
qu’une hache dans les mains de Chris Hemsworth. Comprenez : très. Et je
l’ai regretté autant que le méchant frère aryen qui tombe entre les mains de
Chris Hemsworth. Comprenez : à mort. C’est que Snow White and The Huntsman hésite entre l’héroïc fantasy façon
face de Hobbits et le merveilleux niais façon Disney décomplexé. Résultat peu
probant, si vous voulez mon avis (et si vous le voulez pas, c’est pareil).
Bon, je vous passe le pitch. Il était deux fois (quelques semaines avant,
les inconditionnels du conte des Grimm Bros s’étaient déjà farci le kitchouille
Mirror Mirror de Singh) une « enfant au teint blanc comme la neige, aux
lèvres rouges comme le sang et aux cheveux noirs comme le bois d’ébène »
qui se coltinait une marâtre pas marrante. Le parallèle avec le film de
Singh s’arrête là. Parce que Rupert Sanders, il fait plutôt dans l’adaptation
libre. Donc, voilà notre Blanche-Neige qui s’échappe le jour de sa majorité de la tour où l’avait
enfermée la mégère pas apprivoisée. Coup de pot, un cheval blanc l'attend sagement au bord d'une falaise (la vie est trop bien faite parfois). Elle échappe du coup aussi à l’arrachage de cœur sans anesthésie
générale auquel la dite mégère la destinait. La reine mère est aussi
vieille que SAR Elisabeth II, aussi a-t-elle besoin de chair fraîche pour renouveler
son taux de vitamines B12. Et comme à l’époque, y avait pas encore la Nivéa,
ben elle aspire la jeunesse des demoiselles en pleurs pour rester la plus
belle du royaume. Le hic, c’est que le Mirror
Mirror on the wall (foutrement bien fait, pour le coup) lui prédit que sa
garce de belle-fille porte trop bien son titre. Seule solution : la crever
et lui prendre le cœur. Facile. Sauf que donc, la demoiselle s’est fait la
malle et qu’il faut la courser. Difficile. C’est une mission de choix pour le
frère endimanché dont le coiffeur a un sérieux sens de l’humour. Playmoboy
charge le fameux chasseur de retrouver la donzelle en fuite dans la forêt
enchantée, que jamais personne en est revenu vivant à part justement cet
ivrogne de chasseur. Bingo. Mais notre trappeur trapu se prend d’amitié (pour
dire les choses proprement) pour la princesse. Moins bingo. Il va la sauver et
l’amener chez les partisans de feu son père le roi. Là, elle pourra enfin lever
une armée et récupérer son royaume.
Allez, hop, trailer !
On est évidemment loin de l’autre dinde qui jouait l’aide ménagère chez les sept gnomes chantants. Ici, Evan Daugherty (le screenwriter in chief) nous la réinvente
Princesse Jeanne d’Arc. Sous la robe royale, le pantalon. Sous le joli minois,
la guerrière. Le tout, rehaussé de la musculature taurine de Chris Hemsworth
(Thor, c’était lui) qui campe un chasseur transformé en veuf éploré, donc
alcoolique suivant la pure tradition cliché hollywoodienne. Côté œstrogène, on
a le prince charmant, rétrogradé en petit duc, genre de fils naturel de Legolas
et Robin des Bois. Sam Claflin, c’est un peu Orlando Bloom à qui on aurait
enfin arraché sa maudite perruque blonde: un Charming plein de remords et
d’adresse à l’arc à flèches.
Que les amateurs d’accessoires ridicules se
rassurent, il y a tout de même eu du budget perruque, entièrement dévolu au
vilain frère (dans tous les sens du terme) de la reine. Le personnage made in
Daugherty tient de la pute à frange machiavélique, bien laid et dégueulasse
comme il sied à un méchant de conte défait. Et Sam Spruell l’incarne de manière
très convaincante, notamment parce qu’il a la tête de l’emploi. Mais pas que.
Il joue bien aussi. Tout comme Charlize Theron, magnifique reine de glace, à
l’hystérie pas toujours crédible mais à la majesté indéniable. Et puis,
qu’est-ce qu’elle est belle ! Et le film le lui rend bien.
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Oncle Finn |
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Avec les cheveux mouillés, c'est encore plus cocasse. |
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On a du mal à croire qu'ils sont frère et soeur |
Niveau scénar,
on a tenté de donner un peu plus de consistance à son personnage, en
l’affublant du frère Finn entièrement dévoué à sa cause depuis des années (avec le zeste de soupçon incestueux, juste comme il faut) et en
développant un chouia l’histoire de son pouvoir. Le chouia tombe
malheureusement comme un cheveu dans la soupe, trop fugacement exploité dans un
flash-back über court censé nous montrer en deux secondes le pourquoi du
comment. On comprend vaguement que le pouvoir qu’elle tire de sa beauté sert un
destin de vengeance mais on reste sur sa faim à ce niveau-là. Le flash-back
susmentionné est d’ailleurs tellement éphémère qu’il doit y avoir de la
producer cut derrière. Dommage.
Reste qu’au niveau de la réalisation et des
costumes, Charlize Theron est vachement gâtée. Scènes et robes somptueuses, que
demander de plus ? Alors que l’héroïne, elle, se tape de la cellule
préhistorique, de la cavalcade crade, de la danse folklo avec des nabots et de
l’armure roi Arthur avec bataille à la clé.
Pour porter ce rôle de Xéna
mélancolique, le directeur de casting n’a rien trouvé de mieux que de nous
infliger la maîtresse es melancholia, j’ai nommé Kristen Steward, qui nous
retire sa tronche Twilight de « Pas ce soir, chéri ». Crise cardiaque garantie quand elle sourit aux deux-trois moments détente
du film, notamment quand elle se balade extatique dans la putain de forêt
enchantée qui grouille de gentils papillons, de gentils lutins et d’animaux
gentils tout droit sortis des studios Disney. Sa mono-expressivité faciale replonge donc dans
l’épisode « Fascination » de la saga vampiricomique, avec Thor et Duke
Charming dans les rôles du loup-garou et du vampire.
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Fascination |
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Tentation |
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Hésitation |
C’est une des autres trouvailles scénaristiques, le re-plan à trois pour
Kristen Steward. Avec le personnage de Finn, les nains punks et la fin un peu
ouverte, le triangle amoureux entre Blanche-Neige, le chasseur et le presque
prince charmant rend intéressante une histoire pas toujours très bien ficelée,
voire assez inégale. La course poursuite n’est pas des plus palpitantes mais
les scènes de la méchante reine sont plutôt réussies, clairement plus que les
scènes d’action, hormis la bataille finale, où la veine héroïc fantasy trouve
une place de choix.
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Dwarfs rock! |
Le truc cool, c’est les décors et les costumes. Et de manière générale,
l’esthétique du film. On sent la formation de directeur de la photographie du
vieux Sanders, dont c’est le premier film en tant que réalisateur de fiction. Si
le film mérite d’être vu, c’est absolument au cinéma parce que sur votre pauvre
télé de 50 cm, vous risquez de pas trop apprécier l’effort. Un seul
regret : qu’il n’ait pas noirci plus le tableau.
Le truc pas cool, c’est le larmoiement abusif. Je ne sais pas combien de
gouttes on leur a versé dans les yeux mais les acteurs ont l’œil mouillé en
permanence. Ajoutez à cela une musique de fosse grandiloquente aux entournures
stratégiques de l’histoire et les toilettes c’est par là. Le film pèche par le
pathos. On se croirait presque dans un mélodrame québecquois tire-larmes à
tire-larigot. Ca en devient très vite énervant, si bien que la forêt enchantée
apparaît au moins comme une pause salvatrice dans ce micmac de sentiments
pleurnichards. L’humidité oculaire trouve évidemment un point d’orgue dans le
happy end en gros sabots. La boucle est bouclée. Ou presque. Par son côté happy
hunt, la fin laisse pendante la résolution amoureuse. Et c’est très bien comme
ça.
Marie I
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